mardi 9 mars 2021

 

Conclusion générale de ma thèse

« Le capital investissement en droit tunisien et droit comparé »

 

Le capital investissement, en tant que mode de financement alternatif à l’endettement, souffre de plusieurs handicapes que les professionnels appellent des dysfonctionnements, dus à des anomalies et des lacunes juridiques. Bien que, depuis quelques années les autorités tunisiennes ont accepté de promulguer de nouveaux textes, en l’occurrence les deux décrets – lois n° 99 et n° 100 de l’année 2011, ces dysfonctionnement persistent, notamment, au niveau des structures et véhicules qui le gèrent. Ils persistent, particulièrement, au niveau de la segmentation qu’elle soit géographique ou sectorielle. D’ailleurs, l’appellation de ce mode alternatif de financement par les textes de droit tunisien « Capital Développement » (le texte référence en arabe cite « tanmiya », voir l’introduction) est en soi une défiguration de la substance même de ce mécanisme, au point où plusieurs professionnels du secteur en Tunisie parlent d’un capital risque sans risque ; alors que ce mode de financement est caractérisé par la prise de risque ou carrément, comme il a été connu depuis le début, par l’aventure.

A l’évidence, il n’y a pas un large choix de solutions, par contre, il n’en y a qu’un seul. C’est celui d’accepter la notion et de l’adopter avec tous ses caractéristiques juridiques ; pour ensuite la  lancer dans le contexte économico – social. Le capital investissement devrait réussir, ainsi, à fonctionner convenablement pour réaliser les meilleurs résultats.

Pour pallier à tous les problèmes du capital investissement, le législateur devrait, tout d’abord, prendre en considération tous ces dysfonctionnements. Il devrait commencer par mentionner, dans le nouveau texte préconisé, les formes juridiques et les catégories des véhicules de ce mode de financement. Il devrait, aussi, mentionner des capitaux investisseurs personnes physiques, connus sous l’appellation Business Angels. Toutes ces désignations se feront par classification chapitre par chapitre. Le premier sera consacré aux règles communes à tous les véhicules et les investisseurs personnes physique. Le deuxième chapitre sera consacré aux règles spéciales des SICAR. Le troisième chapitre sera consacré aux règles spéciales des FCPR. Le quatrième chapitre sera consacré aux règles spéciales pour la reconnaissance des « Business Angels » et une organisation souple de leur intervention. Un chapitre sera consacré aux étapes d’investissement et de désinvestissement en indiquant les délais nécessaires à chacune d’elles. Un dernier chapitre sera consacré à la fiscalité telle que disposée par le décret-loi n°2011-100 du 21/10/2011. Chaque chapitre sera divisé en section expliquant les détails de chaque élément.

Pour que le projet réussisse, il nous semble que le prochain texte doit avoir un objectif clair qui est celui de rapprocher, le plus, le capital investissement des partenaires. Pour atteindre cet objectif, le droit doit être un allié utile à associer à la concrétisation du projet. Cette alliance se fera dès les phases en amont, et elle évitera qu’il soit pressenti comme une contrainte à devoir prendre en compte ; ou à devoir éviter que ce soit en amont, en cours d’exécution du projet ou en aval.

Pour cette raison, le droit que nous préconisons, pour le capital investissement, devrait beaucoup s’imprégner de son homologue anglo saxon dans la largesse du champ accordé aux partenaires. Il facilitera d’établir les conventions et les processus de travail selon les besoins de l’entreprise. Notamment, il doit s’imprégner de la forme juridique de la Société par Actions Simplifiée du droit français ; à cause de sa souplesse qui permet aux partenaires de faire le montage de projet, selon leurs ambitions pour réussir à réaliser les plus – values escomptées. En d’autres termes, le droit ne devrait pas être contraignant en imposant la mise en œuvre de mécanismes de direction et contrôle qui limitent le champ aux promoteurs et aux investisseurs en capitaux. Mais, il devrait s’effacer suffisamment afin de permettre l’apparition de dispositifs ad hoc plus souples. Ces dispositifs  répondront, au mieux, aux revendications des professionnels et elles feront du droit un ami, un soutien et un outil efficace pour ce mode de financement peu connu, voire même rejeté par les investisseurs tunisiens.

En plus, les textes doivent avoir la possibilité d’évoluer aussi vite que la pratique des investissements par ce mode de financement. Ainsi, ils doivent être en perpétuel modification et évolution afin d’être à jour des nouveautés technologiques et des innovations qui se développent à un rythme rapide. Pour assurer la continuité des modifications, il faut mettre en place une commission professionnelle chargée de suivre toutes les nouveautés en relation avec le capital investissement. Elle proposera, chaque fois que c’est nécessaire, des  projets de loi pour modifier les textes en vigueur.

Dans ce cadre, nous pouvons avancer le recours aux plates-formes électroniques de plus en plus nombreuses, pour raccourcir, faciliter et accélérer le contacte entre les investisseurs et les promoteurs pour la réalisation des projets. A l’instar du nouveau monde de financement alternatif, en l’occurrence le crowdfunding, le législateur et les professionnels devraient s’y inspirer pour moderniser les interventions du capital investissement, par le biais des procédures immatérielles et abandonner les procédures de la paperasse bureaucratiques. La dématérialisation permettra de rapprocher davantage des entrepreneurs ; et elle facilitera leur tâche de lancement des projets.

En plus, parmi les solutions que le texte devrait préconiser, il y a la fédération et l’unification des différents textes touchant au capital investissement. Il s’agit des textes de l’essaimage, l’incubation et de  l’amorçage. Il s’agit, aussi, des lois relatives aux PME pour aboutir aux différentes phases d’investissement désinvestissement de ce mode de financement alternatif. Il y a, également, la question de la fiscalité qu’il faut, au moins, préserver avec tous ses avantages ; afin de continuer à inciter les investisseurs à prendre participation aux fonds des entreprises. Mais, il est indispensable d’instaurer un système de contrôle et de suivi ex post aux activités des véhicules et des structures. Un système qui doit être monté par les membres mêmes de la communauté des capitaux investisseurs représentée par leur association. Cette dernière doit avoir une certaine autorité vis-à-vis de tous les véhicules et de les représenter tous sans exception. Elle aura pour tâche principale d’essayer d’unifier et d’harmoniser les procédures de financement actuellement diverses, longues et complexes, autant que possible.

Dans un contexte de recherche d’investisseurs locaux et étrangers, le législateur tunisien doit commencer par faire évoluer les textes de son tissu législatif touchant le capital investissement. Les actuels textes semblent dépassés par les temps qui courent caractérisés par les multitudes inventions incrémentales dans tous les domaines ; particulièrement,  par les innovations dans les domaines des technologies de l’informatiques et de la communication. Ces inventions, fruits de la Recherche et Développement, rendent les textes législatifs décourageants pour les investisseurs, voire même, elles les rendent obsolètes.

En effet, dans ce contexte inventif et innovatif, nous sommes supposés revoir nos textes touchant le secteur du capital investissement, pour offrir aux investisseurs ainsi qu'aux promoteurs un nouveau cadre juridique plus souple. Il leur offrira plus de liberté à établir leurs propres contrats pour la création et la gestion de leurs projets dans tous les secteurs, mais particulièrement dans le secteur des TIC.

Le nouveau cadre juridique, que nous préconisons, doit être novateur capable de permettre aux chercheurs de créer leurs entreprises afin de valoriser leurs travaux de recherches antérieurs. Il offrira la possibilité d’une prise en charge temporaire des salaires et la possibilité de retour du promoteur dans le laboratoire d’origine en cas d’échec. Ce dernier mécanisme est un encouragement et une incitation aux promoteurs qui craignent, justement, d’échouer. Il leurs permettra, certainement, de se rassurer un tant soit peu.

Un élément très important dans l’application des nouveaux textes devrait s’imposer. Il s’agit du règlement des litiges. En effet, des tribunaux plus autonomes devraient être capables de trancher les litiges plus rapidement, en toute indépendance ; avec une meilleure gestion des relations contractuelles. Le cadre législatif d’arbitrage doit être plus évolué et plus performant. Ces modes de règlements de différends rassureront les investisseurs sur le sort de leurs fonds, et leur permettront de gagner du temps et de l’argent.

Force est de constater, dans un contexte où le renforcement des normes prudentielles pour l’endettement bancaire est flagrant, que l’accroissement de la part du financement des entreprises par le capital investissement devient impératif et doit, donc, augmenter. Ces augmentations de prise de participation en fonds propres de projets risqués, se réalisent quand les investisseurs se voient offrir en amont un cadre légal favorable sur tous les niveaux. Ce cadre doit être protecteur par les mécanismes de garantie et de soutien et stabilisé par le climat sain et serein du pays, dans lequel s’inscriront leurs investissements. Avec les efforts nécessaires, nous arriverons, peut être dans un certain temps, à proposer aux capitaux investisseurs un cadre juridique attirant et encourageant. Il permettra aux prises de participation dans les fonds propres d’être une ressource plus onéreuse. Il permettra, aussi, aux investisseurs d’accepter le risque pour financer le plus grand nombre de projets.